Enregistrer des appels en Centre de Contacts

Temps de lecture : 7 min

Sommaire

En tant que responsable de centre de contact, vous pouvez avoir besoin d’écouter ou d’enregistrer les conversations téléphoniques tenues entre vos conseillers clientèle et vos clients.

Ce que vous devez savoir

Le Code pénal interdit généralement l’enregistrement des conversations téléphoniques pour protéger le droit de chacun à la vie privée. Quant au Code du travail, celui-ci impose d’informer préalablement les salariés et leur représentant du personnel s’ils font l’objet de méthodes ou de techniques d’évaluation professionnelles (Par exemple : s’ils font l’objet d’un enregistrement).

 

Si la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) n’a pas encore publié de nouvelles lignes directrices à ce sujet depuis l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (RGPD), elle a néanmoins publié quelques recommandations[1].

 

Eloquant vous livre donc quelques conseils afin de vous permettre de respecter ces recommandations et le cadre juridique existant avant de procéder à l’enregistrement ou à l’écoute des conversations téléphoniques au sein de votre centre de contact.

 

1. Informez préalablement les personnes concernées avant d’enregistrer des appels

Qui dois-je informer ?

Les instances représentatives du personnel doivent être informées et consultées avant toute décision consistant à installer un dispositif d’écoute ou d’enregistrement des appels.

 

Par ailleurs, vous devez informer, sans ambiguïté et préalablement, tous les participants aux conversations téléphoniques susceptibles d’être enregistrées :

  • vos salariés (et leurs organes représentatifs)
  • vos clients et prospects (i.e. les interlocuteurs de vos conseillers clientèle).

« Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à la connaissance du salarié ».
(Article L.1222-4 du Code du travail)

Quelles informations dois-je leur fournir ?

A minima l’information doit porter sur les éléments suivants : l’existence du procédé d’enregistrement, sa finalité (le but poursuivi), qui est le responsable de traitement et les droits des personnes concernées (à savoir, notamment, leur droit d’opposition, d’accès ou de rectification à ce procédé).

 

Vous devez informer les personnes concernées, notamment :

  • de l’existence du dispositif ;
  • de l’identité du responsable de traitement ;
  • des destinataires des données issues du dispositif ;
  • des finalités poursuivies ;
  • de la base légale du dispositif (obligation issue d‘un texte légal par exemple, ou intérêt légitime de l’employeur) ;
  • de la durée de conservation des données ;
  • de leurs droits d’accès, de rectification, de leur droit d’opposition et de la possibilité d’introduire une réclamation auprès de la CNIL ;
  • le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d’un Etat non-membre de l’Union européenne.

 

La délivrance de certaines informations issues de cette liste pourra donner lieu à des adaptations en fonction de la qualité ou de la nature de votre relation avec la personne concernée. Par exemple, les droits d’accès, de rectification, d’opposition concernent particulièrement votre clientèle.

 

Bonne pratique
Au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière sociale, les salariés doivent être informés des périodes pendant lesquelles ils sont susceptibles d’être écoutés ou enregistrés.

 

Comment informer les personnes concernées ?

Vos salariés et leurs organes représentatifs pourront notamment être informés à l’occasion de la signature du contrat de travail.

 

Concernant vos clients, l’information des interlocuteurs pourra s’effectuer en deux temps :

  • mention orale en début de conversation les informant sur l’existence du dispositif, la finalité poursuivie et la possibilité de s’y opposer,
  • renvoi vers un site web (et un onglet « mentions légales ou conditions générales» par exemple) ou une touche « mentions légales » sur le téléphone pour obtenir une information exhaustive (cf. 1.1.).

 

2. N’enregistrez que si le traitement répond aux finalités reconnues par la CNIL

 

 

Les finalités reconnues par la CNIL sont les suivantes :

  • formation et l’évaluation de personnel
  • contrôle des performances et/ou de la qualité de service
  • servir de preuves à l’établissement d’un contrat ou à l’accomplissement d’une transaction (dans certains cas limités et prévus par un texte légal)

 

Plus généralement, pour être conforme, l’écoute et l’enregistrement de vos conversations doivent pouvoir être justifiés comme indéniablement nécessaires à la bonne marche de votre société. Si tel n’est pas le cas, optez pour une solution alternative (ex. : constitution de traces écrites).

« Nul ne peut apporter aux droits des personnes (…) de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ».
(Article L. 1121-1 du Code du travail)

 

 

3. Proportionnez vos enregistrements aux finalités poursuivies

 

L’enregistrement d’un appel peut-il s’effectuer de manière totale ou partielle ?

Il n’y a pas de précisions spécifiques quant à l’enregistrement total ou partiel d’un même appel, les deux semblent a priori possibles.

 

Puis-je enregistrer toutes les conversations téléphoniques sur mon centre de contact ?

Non, le RGPD précise que tout traitement doit être proportionné aux finalités à atteindre.

 

Vos enregistrements doivent donc être :

  • ponctuels
  • en rapport direct avec la finalité poursuivie
  • strictement limités dans le temps.

 

Être ponctuels, cela signifie que le recours à ces procédés ne peut être ni automatique ni systématique.

« Les données personnelles doivent être : […] adéquates pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées (minimisation des données) ; ».
(Article 5 du RGPD).

 

Par ailleurs, l’enregistrement de tout ou partie des appels ne doit pas conduire à détourner les finalités initiales, et permettre par exemple de lutter contre les incivilités.

 

En tout état de cause, l’enregistrement systématique et continu des conversations téléphoniques au sein de votre centre d’appels est passible d’une peine de prison assortie d’une amende.

« Le fait, y compris par négligence, de procéder ou de faire procéder à des traitements de données à caractère personnel sans qu’aient été respectées les formalités préalables à leur mise en œuvre prévues par la loi est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende ».
(Article L. 226-6 du Code du pénal)

 

4. Veillez au bon usage de vos enregistrements

 

Quelles règles dois-je respecter une fois les enregistrements collectés ?

Vos enregistrements contiennent des données personnelles. Vous devez donc respecter les obligations légales et réglementaires en matière de traitement de données personnelles.

 

Vos enregistrements doivent notamment :

  • rester strictement confidentiels ;
  • bénéficier de garanties de sécurité physique et informatique. A ce titre, la CNIL préconise, notamment :
    ▪ la mise en place d’habilitation pour accéder à ces enregistrements,
    ▪ la mise en place à disposition des salariés de lignes téléphoniques non reliées au système d’enregistrement, ou un dispositif technique leur permettant de couper l’enregistrement, pour les appels personnels. Il en va de même pour les appels passés par les représentants du personnel dans le cadre de l’exercice de leurs mandats ;
  • être conservés pour une durée limitée, soit pendant une période maximale de 6 mois et être détruits une fois l’objectif atteint (sauf texte imposant une durée spécifique ou justification particulière).

 

« Les données à caractère personnel devraient être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire pour les finalités pour lesquelles elles sont traitées. Cela exige, notamment, de garantir que la durée de conservation des données soit limitée au strict minimum. ».
(Considérant 39 du RGPD)

 

Puis-je enregistrer l’image (sous la forme de capture d’écran ou vidéo) de ce qui apparaît à l’écran d’ordinateur d’un de mes salariés parallèlement à l’enregistrement des conversations téléphoniques ?

 

NON, la CNIL considère, que compte tenu des impacts et risques de détournement et de surveillance associés à ces dispositifs, le couplage des enregistrements téléphoniques avec l’image (capture d’écran ou vidéo) des actions de l’employé est disproportionné lorsqu’il est utilisé pour d’autres finalités que la formation, telles que l’évaluation du personnel, la lutte contre la fraude interne, etc. L’employeur doit alors utiliser des moyens alternatifs à ce type de dispositif.

 

Ainsi, le couplage de l’enregistrement des conversations téléphoniques avec un enregistrement vidéo ne pourrait être toléré qu’à la condition d’être mis en œuvre à des fins de formation et de respecter un certain nombre de conditions.

 

Puis-je élaborer des documents d’analyse tels que des comptes-rendus ou des grilles d’analyse, sur la base de ces écoutes ou enregistrements ?

OUI, des documents d’analyse (comptes-rendus ou grilles d’analyse) peuvent être rédigés sur la base des écoutes et enregistrements dès lors qu’ils s’inscrivent dans le cadre des finalités poursuivies. À cette occasion, vous ne devez collecter et traiter que des informations nécessaires à cette finalité :

  • données d’identification du salarié et de l’évaluateur,
  • informations techniques relatives à l’appel,
  • évaluation professionnelle de l’employé.

 

Les documents d’analyse peuvent quant à eux être conservés pendant une période maximale d’un an.

 

 

 

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